faire s’attirer les uns les autres, à des distances infinies, et recommencer, à l’aide de leurs collisions, le jeu de la cosmogonie, pour ainsi dire, sur une plus large échelle. Rien, avons-nous dit, ne nous défend une semblable hypothèse, — excepté la question de savoir si nous avons le droit, parce que nous ne pouvons nous figurer des limites à la création, de présupposer comme réelle l’infinité matérielle des systèmes de mondes.
Dès les temps anciens, le matérialisme a professé la naissance et la mort de notre système du monde et s’est procuré, par la théorie de l’infinité des mondes, cette satisfaction du cœur qui repose sur la simple croyance à la durée persistante de ce qui existe. Parmi nos matérialistes actuels, Czolbe notamment n’a pas voulu se contenter de cela et il a réclamé, au point de vue de la satisfaction du cœur, l’éternelle conservation de la vie terrestre. L’impératif catégorique de Feuerbach « Contente-toi du monde donné ! » lui paraît irréalisable, du moins tant que l’existence de ce monde donné n’est pas garantie contre les calculs des mathématiciens qui nous menacent d’anéantissement. Or vaut-il mieux, au point de vue de la satisfaction du cœur, compléter son système, tandis que la base même en reste exposée aux ébranlements les plus forts, ou se contenter, une fois pour toutes, d’une limite au savoir et à la conjecture, limite au delà de laquelle on laisse toutes les questions sans solution ? Par le fait et vu les conclusions nécessaires, que nous avons citées, on doit avouer que le système rassurant de Czolbe est bâti sur le sable et que, par conséquent, il ne répondra, à la longue, pas plus au but désiré que le dogmatisme populaire, qui, d’un autre côté, ne veut se passer ni de son commencement ni de sa fin, — la création et le jugement dernier. Si l’on s’élève une fois au-dessus de ce point de vue, si l’on cherche le repos de l’âme dans le monde donné, on arrivera aisément à ne pas trouver ce repos dans la durée éternelle de l’état matériel