nous sentons sa réalité et sa permanence, et que nous possédons sur son identité et sa simplicité une certitude bien supérieure à la démonstration la plus évidente… »
« Malheureusement toutes ces affirmations positives sont contraires à l’expérience que l’on cite comme preuve, et nous n’avons point du tout, relativement au moi, la conception dont on vient de parler. Si, pour ma part, j’approfondis ce que j’appelle mon moi, je rencontre toujours certaines idées particulières ou des sensations de chaleur ou de froid, de lumière ou d’ombre, d’amour ou de haine, de plaisir ou de déplaisir. Je ne puis jamais surprendre mon moi seul, sans idée ; et tout ce que j’observe n’est jamais autre chose qu’une idée. Quand mes idées sont momentanément suspendues, comme durant un profond sommeil, je ne sens pas du tout mon moi dans cet intervalle, et l’on pourrait dire, en vérité, qu’il n’existe pas du tout ». — Hume n’entend pas discuter avec celui qui sent en lui un autre moi. « Un tel homme pourra peut-être percevoir quelque chose de simple et de permanent, qu’il nomme son moi ; de mon côté, je suis certain que rien de semblable ne se trouve en moi. D’ailleurs, à l’exception de quelques métaphysiciens, je puis affirmer hardiment que tous les autres hommes ne sont qu’un faisceau ou une collection d’idées différentes, qui se succèdent avec une incompréhensible rapidité et se trouvent dans une fluctuation et un mouvement continuels (6). »
L’ironie fine, dirigée ici contre les métaphysiciens, frappe ailleurs les théologiens. Qu’avec les opinions de Hume, il ne puisse plus être question de l’immortalité de l’âme dans le sens de l’Église, cela se comprend de soi-même. Cependant le philosophe anglais se plaît quelquefois à faire la malicieuse remarque que, malgré ses opinions, l’ensemble des arguments en faveur de l’immortalité conserve toujours la même force probante que dans l’hypothèse ordinaire de la simplicité et de l’identité de l’âme.
Ce même Hume exerça sur Kant une influence si prépon-