Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1879, tome 2.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme éternellement immobile ; mais le mouvement visible brave ce jugement. C’est une donnée incontestable comme la lueur et la traînée de brouillard précitées.

Voilà comment on doit aussi apprécier le mode suivant lequel le matérialisme traite de la sensation, si l’on veut élever le mouvement du cerveau à sa véritable essence. Ce point est discuté notamment par Langviescr, sur le ton le plus formel, dans sa polémique contre Du Bois-Reymond. Il dit (page 12) : « Notre conscience ne peut guère nous faire connaître l’anatomie de notre corps ou du moins les fibres de notre cerveaux aussi n’est-elle pas une conscience dans le sens objectif du mot ; de même nous ne pouvons reconnaître subjectivement nos sensations pour ce qu’elles sont. »

Comme on le voit, l’antique et naïve conception des impressions des sens est encore renforcée par l’introduction des concepts modernes d’objectif et de subjectif. À proprement parler, le subjectif n’existe pas ; en d’autres termes, l’être subjectif n’est pas l’être vrai, réel, avec lequel seul la science a affaire. Notre propre conscience — le point de départ de toute pensée pour les philosophes depuis Descartes — n’est qu’un phénomène subjectif de ce genre. Quand nous connaîtrons les portions du cerveau où le phénomène se realise, et les courants qui se meuvent dans ces parties, alors seulement nous saurons ce qu’est cette chose nous aurons reconnu la conscience objectivement et atteint par là tous les résultats que l’on peut raisonnablement désirer.

À cette conception d’un matérialiste philosophe de la nature, qui méprise la philosophie comme mysticisme, nous allons opposer la proposition d’un savant qui a reçu une éducation philosophique. L’astronome Zœllner montre, dans son remarquable et profond livre De la nature des comètes, que nous ne pouvons arriver à nous représenter un objet quelconque autrement que par la sensation. Les sensations sont les matériaux avec lesquels se construit le monde réel extérieur. L’espèce la plus simple de sensations, que nous