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leurs concessions occasionnelles à la doctrine de l’Église sont assez transparentes. Mais, l’exception de Hobbes, ils sont loin d’identifier simplement avec l’essence absolue des choses ce qui apparaît à notre entendement et à nos sens comme l’image de l’univers. Malgré les évolutions les plus diverses des systèmes, partout revient le point de vue qui sépare la philosophie moderne de la philosophie ancienne l’idée que notre conception du monde est essentiellement une représentation particulière à notre esprit.

Chez Leibnitz, l’idée du monde comme représentation est poussée à l’extrême dans la théorie de la représentation des monades ; et cependant il reconnaît, dans sa conception du monde des phénomènes, le mécanisme le plus rigoureux, et son procédé, dans les questions de physique, ne diffère pas de celui des autres physiciens. — Enfin Kant explique avec la plus grande clarté les rapports de la philosophie avec le matérialisme. L’homme qui développa le premier la théorie de la naissance des corps célestes par la simple attraction de la matière dispersée ; l’homme qui connaissait déjà les principes du darwinisme et ne craignait pas, dans ses conférences populaires, de trouver naturel que l’homme eût passé de l’état primitif de la brute à celui d’homme ; le philosophe qui rejetait comme irrationnelle la question du « siège de l’âme » et laissait bien souvent entrevoir que pour lui, l’âme et le corps n’étaient qu’une seule et même chose perçue par des organes différents : — ce philosophe n’avait presque rien à apprendre du matérialisme, car toute la conception cosmique du matérialisme est en quelque sprte incorporée dans le système de Kant, sans en modifier le caractère idéaliste. Kant pensait d’une façon rigoureusement conforme à la méthode de la science de la nature sur tous les objets du domaine de cette science. C’est là un fait incontestable ; car les Principes métaphysiques de la science de la nature ne renferment qu’un essai, pour trouver a priori les axiomes fondamentaux, et ne rentrent point, par conséquent, dans