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la science, et personne n’afurmera qu’il ait été étranger à la véritable méthode de la science. Il admettait cependant à côté du monde des corps, un monde de l’âme, dans lequel tous les objets extérieurs sont seulement « représentés ». Quelque grands que soient les défauts de son système il mit le doigt précisément sur le point où doit s’arrêter tout matérialisme, et où finissent par aboutir tes recherches même les plus exactes. Spinoza, le grand champion de l’absolue nécessité de tout ce qui arrive et de l’unité de tous les phénomènes de la nature, a été si souvent classé au nombre des matérialistes qu’il est presque nécessaire d’établir pluot ce qui le sépare que ce qui le rapproche de la conception matenahste de l’univers. Ces dissidences s’accentuent encore sur le même point que chez Descartes : l’image de l’univers, à laquelle nous conduit la conception mécanique, n’est qu’une face de l’essence des choses, face qui, à la vérité, s’harmonise parfaitement avec l’autre, la spirituelle. Dès l’époque de Bacon, presque tous les philosophes anglais emploient une méthode qui se concilie très-bien avec celle de la science de la nature ; on n’a d’ailleurs jamais connu en Angleterre cet antagonisme de la philosophie et de l’étude de la nature, dont il est tant question chez nous. Le monde des phénomènes est compris par les principaux philosophes anglais d’après les mêmes principes que par nos matérialistes, encore que peu d’entre eux s’arrêtent, comme Hobbes, simplement au matérialisme. Locke qui, pour l’étude de la nature, admettait, comme Newton, les atomes, ne fonda pas sa philosophie sur la matière, mais sur la subjectivité, il est vrai, dans un sens sensualiste. À ce propos, il doute que notre entendement soit apte à résoudre tous les problèmes qui se présentent : c’est un commencement du criticisme de Kant, que Hume développa considérablement dans la suite. De tous ces philosophes, il n’en est pas un seul qui ne regarde comme évident que tout dans la nature se produit par des moyens purement naturels et