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motifs qui pénètrent chez lui bien plus avant que son opinion théorique sur les phénomènes de la nature. L’union indissoluble de la force et de la matière est suffisamment démontrée pour la nature visible et palpable. Mais si la force est essentiellement quelque chose de suprasensible, pourquoi, dans un monde insaisissable pour nos sens, n’existerait-elle point par elle-même ou combinée avec des substances immatérielles ?

Les anciens matérialistes comprennent la question avec infiniment plus de netteté et de logique que Büchner, quand ils ramènent toute force au mouvement, à la pression, au choc de la matière ; et, ainsi que l’a fait surtout Toland d’une façon admirable, quand ils conçoivent la matière comme mue en soi, et le repos comme n’étant qu’un cas spécial du mouvement.

Mais, abstraction faite des difficultés qui résultent, pour la démonstration de cette théorie, de la physique moderne avec ses effets à distance complètement incompréhensibles, il reste un autre point qui embarrasse pareillement tous les systèmes matérialistes ; seulement cette difficulté reste mieux dissimulée dans la vague conception de Büchner, qui mêle confusément la force mécanique et l’esprit. En effet Büchner s’est formé toute sa conception cosmique et il a rédigé son ouvrage principal, sans connaître la loi de la conservation de la force. Quand il la connut, il lui consacra un chapitre spécial et il la rangea simplement parmi les nouveaux supports de sa conception matérialiste de l’univers, sans éclairer de nouveau complètement avec la lumière de cette importante théorie toutes les parties de son édifice. Sans cela, il aurait aisément découvert que les phénomènes du cerveau doivent aussi être strictement subordonnés à la loi de la conservation de la force, et de la sorte, comme nous le montrerons plus tard en détail, toutes les forces deviennent invariablement des forces mécaniques, des mouvements et des tensions. On peut ainsi construire mécaniquement l’homme