lectuel, commun à tous. Les démonstrations philosophiques, qui ne peuvent être comprises que par tous les hommes instruits ne valent pas, à notre avis, l’encre typographique employée. Ce qui est pensé clairement peut aussi être énoncé clairement et sans ambages. »
Büchner donne là une définition de la philosophie entièrement nouvelle, quoique assez peu précise. Ce que l’on a nommé philosophie jusqu’à présent ne fut jamais un domaine commun à tous, et ne pouvait être compris par tous les « hommes instruits », du moins sans études préparatoires vastes et profondes. Les systèmes d’Héraclite, Aristote, Spinoza, Kant, Hegel exigent de très-grands efforts, et, quand tout ce qu’ils ont dit n’est pas également intelligible, cela peut être la faute de ces philosophes. Il est clair qu’aux yeux de nos prédécesseurs, ces systèmes valaient plus que l’encre typographique, sans quoi ils n’auraient pas été imprimés, ni vendus, ni payés, ni loués, ni surtout lus fréquemment. Mais il est évident que Büchner ne s’adresse qu’aux vivants, dans l’acception la plus téméraire du mot. Quant à l’importance que ces systèmes-là pouvaient avoir pour le passé, il ne s’en préoccupe pas. Il ne se demande pas davantage quelle influence ce passé a exercée sur le présent et si un processus de développement nécessaire n’aurait point par hasard relié les idées de notre époque aux efforts de ces philosophes. On devra pourtant admettre que Büchner laisse à l’histoire de la philosophie son importance ; car, de même que beaucoup d’objets de la nature, la pensée humaine mérite bien aussi d’être étudiée et, dans ce cas, l’on ne peut se borner aux produits les plus futiles de l’activité intellectuelle. Büchner lui-même a écrit un article sur Schopenhauer, dans le seul but, il est vrai, de donner au public une idée du système propre à ce philosophe ; il y reconnaît toutefois qu’encore aujourd’hui Schopenhauer « doit exercer une puissante influence sur la marche de notre développement philosophique actuel. » Et pourtant Schopenhauer est le représentant d’un