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leurs fins, parce qu’il est de leur essence de se maintenir longtemps après la disparition de ceux qui n’y sont pas appropriés.

En Sicile et dans l’Italie méridionale, la vie intellectuelle des Hellènes parvint à son entier épanouissement, presque aussitôt que sur les côtes de l’Asie Mineure. La « grande Grèce » elle-même, avec ses riches et fières cités, avait précédé depuis longtemps la métropole dans cette voie, lorsqu’enfin les rayons de la philosophie se concentrèrent, comme en un foyer, dans la ville d’Athènes. Au rapide développement des colonies grecques doit avoir contribué une cause semblable à celle qui arracha ce soupir à Gœthe : « Amérique, tu es plus heureuse que notre vieux continent ; tu n’as ni châteaux ruinés, ni basaltes. » La liberté plus grande en face des traditions, l’éloignement des lieux sacrés, vénérés depuis des siècles, l’absence presque complète d’ambitieuses familles sacerdotales, avec leur autorité profondément enracinée, tout cela paraît avoir considérablement favorisé la transition qui détacha les esprits des croyances religieuses auxquelles ils étaient asservis et les tourna vers les recherches scientifiques et les méditations philosophiques. L’association pythagoricienne, avec toute sa sévérité, était une innovation religieuse d’un caractère assez radical, et les membres éminents qu’elle compta dans son sein développèrent l’étude des mathématiques, des sciences physiques et naturelles avec un succès inconnu à la Grèce, avant la période alexandrine. Xénophane, venu de l’Asie Mineure dans l’Italie méridionale, y fonda l’école d’Élée et fut un ardent propagateur des lumières. Il combattit les idées mythiques relatives à l’essence des dieux et les remplaça par une conception philosophique.

Empédocle d’Agrigente ne doit pas être considéré comme matérialiste ; car chez lui la force et la matière sont encore systématiquement séparées. Il fut probablement le premier en Grèce qui partagea la matière en quatre éléments ; cette