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d’Apollonie, qui identifia la raison ordonnatrice du monde avec l’élément primordial : l’air.

Si cet élément avait été purement sensible, si ses fonctions sensitives s’étaient changées en pensées, en vertu de l’organisation de plus en plus compliquée et du mouvement de la matière primordiale, on aurait pu voir se développer dans cette voie un matérialisme rigoureux, peut-être plus solide que le matérialisme atomistique ; mais l’élément rationnel de Diogène est omniscient. De la sorte, l’énigme dernière du monde des phénomènes se trouve reportée à l’origine première des choses (9).

Les atomistes rompirent ce cercle vicieux en fixant l’essence de la matière. De toutes les propriétés des choses, ils choisirent, pour les attribuer à la matière, les plus simples, les plus indispensables pour comprendre un fait qui se produit dans le temps et dans l’espace ; et s’efforcèrent de faire sortir de ces propriétés seules l’ensemble des phénomènes. L’école d’Élée peut avoir devancé les atomistes dans cette voie, en séparant les variations trompeuses des phénomènes sensibles d’avec l’élément permanent que la pensée seule peut reconnaître comme l’être unique, véritablement existant. Les pythagoriciens, qui plaçaient l’essence des choses dans le nombre, c’est-à-dire, à l’origine, dans les rapports déterminables numériquement des formes corporelles, ont probablement contribué à ramener toutes les propriétés sensibles à la forme de la combinaison atomistique. Quoi qu’il en soit, les atomistes donnèrent la première idée parfaitement claire de ce qu’il faut entendre par la matière comme base de tous les phénomènes. Une fois ce principe établi, le matérialisme était complété comme première théorie parfaitement claire et logique de tous les phénomènes.

L’entreprise était aussi hardie, aussi grandiose que correcte, au point de vue de la méthode ; car tant que l’on prenait généralement pour point de départ les objets extérieurs du monde des phénomènes, on ne pouvait suivre