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ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. » Voir la note 17 de la partie suivante.

69 [page 228]. On a parlé en divers sens du caractère personnel de Descartes. On se demande notamment si son vif désir de passer pour avoir fait de grandes découvertes et sa jalousie contre d’autres éminents mathématiciens et physiciens ne l’ont pas quelquefois poussé au delà des bornes de la loyauté. Voir Whewell[1], à propos de l’accusation portée contre lui d’avoir utilisé et caché la découverte de la loi de la réfraction par Snell et les remarques acerbes, en sens contraire, de Buckle[2], qui, du reste, exagère sous plus d’un rapport l’importance de Descartes. — À cela se rapportent sa querelle avec le grand mathématicien Fermat ; ses jugements injustes et dédaigneux sur la théorie du mouvement de Galilée ; sa tentative de s’attribuer, en se fondant sur une affirmation remarquable, mais d’une clarté insuffisante, l’originalité de la grande découverte de Pascal touchant la raréfaction de l’air lorsqu’on gravit les montagnes, etc. — Ce sont là des problèmes pour la solution desquels nous n’avons pas toutes les données nécessaires ; d’un autre côté, si la crainte des prêtres (Pfaffen) l’a poussé à rétracter ses propres opinions, c’est là un fait d’un ordre différent. Mais quand Buckle, se joignant à Lerminier[3], compare Descartes à Luther, on est forcé de mettre en évidence le grand contraste qui existe entre le réformateur allemand poussant la franchise jusqu’à l’excès et Descartes éludant adroitement l’ennemi et n’osant se déclarer ouvertement dans la lutte entre la liberté de penser et la manie de la persécution. Descartes faisant violence à ses convictions, façonna sa doctrine au gré de l’orthodoxie catholique, et, à ce qu’il paraît, fit son possible pour l’accommoder au système d’Aristote. Ce fait indubitable est établi par les passages suivants de sa correspondance :

À Mersenne (juillet 1633), VI, 239, éd. Cousin : Descartes a été surpris d’apprendre la condamnation d’un livre de Galilée ; il présume que c’est à cause du mouvement de la terre, et il avoue que par là son propre ouvrage est frappé. « Et il est tellement lié avec toutes les parties de mon traité, que je ne l’en saurais détacher, sans rendre le reste tout défectueux. Mais comme je ne voudrais pour rien du monde qu’il sortît de moi un discours où il se trouvât le moindre mot qui fût désapprouvé de l’Église, aussi aimé-je mieux le supprimer que de le faire paraître estropié. » — Au même, 10 janvier 1632, VI, 242 et suiv. : « Vous savez sans doute que Galilée a été repris depuis peu par les inquisiteurs

  1. Hist. of the induct. sciences, Il, p. 379.
  2. Hist. of civil., II, p. 271 et suiv.
  3. Hist. of civil., II, p. 275.