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mouvement planétaire de la terre et la position du soleil au centre de tout le système planétaire comme une simple hypothèse permettant de calculer commodément les orbites des corps célestes, mais qui n’est pas vraie et n’a pas besoin de l’étre. »

Effectivement, on lit ces mots étranges dans l’avant-propos anonyme par lequel débute l’ouvrage de Copernic et qui est intitulé : De hypotesibus hujus operis ; mais les assertions de l’avant-propos, entièrement étrangères à Copernic, sont en pleine contradiction avec sa dédicace au pape Paul III. L’auteur de l’avant-propos est, suivant Gassendi, André Osiander ; non, comme dit Humboldt, « un mathématicien vivant alors à Nuremberg, mais le célèbre théologien luthérien ». La révision astronomique de l’impression fut faite sans doute par Jean Schoner, professeur de mathématique et d’astronomie à Nuremberg. Lui et Osiander furent chargés par Rhæticus, professeur à Wittemberg et élève de Copernic, du soin de l’impression Nuremberg lui paraissant plus « convenable » que Wittemberg pour la publication de fourrage[1]. Dans toutes ces circonstances » il est probable qu’on agissait surtout pour ménager Melanchthon, grand amateur d’astronomie et d’astrologie, mais aussi un des adversaires les plus obstinés du système de Copernic. — À Rome, on était alors plus tolérant, et il fallut l’intervention de l’ordre les jésuites pour faire brûler Giordano Bruno et amener le procès de Galilée. Relativement à ce revirement, Ad. Franck, dans son étude sur Th.-H. Martin, Galilée[2], remarque : « Chose étrange ! le double mouvement de la terre avait déjà été enseigné au XVe siècle par Nicolas de Cus, et cette proposition ne l’avait pas empêché de devenir cardinal. En 1533, un Allemand, du nom de Widmannstadt, avait soutenu la même doctrine à Rome, en présence du pape Clément VII, et le souverain pontife, en témoignage de sa satisfaction, lui fit présent d’un beau manuscrit grec. En 1543, un autre pape, Paul III, acceptait la dédicace de l’ouvrage où Copernic développait son système. Pourquoi donc Galilée, soixante et dix ans plus tard, rencontrait-il tant de résistance, soulevait-il tant de colères ? » Franck fait judicieusement ressortir le contraste ; toutefois sa solution est très-malheureuse quand il fait consister la différence en ce que Galilée ne se contenta pas d’abstractions mathématiques, mais, en jetant un regard dédaigneux sur les théories de Kepler, appela à son secours l’observation, l’expérience et le témoignage des yeux. Au fond, Copernic, Kepler et Galilée, malgré toutes leurs différences de caractère et de talent, furent tous trois animés de la même ardeur pour le développement de la science, pour le progrès et pour le renversement

  1. Humboldt, Cosmos, note 24 du passage précité, II, p. 498.
  2. Moralistes et Philosophes. Paris, 1872, p. 443.