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raires à en fabriquer après coup quelques-uns qui eurent assez peu de succès. (Voir Genthe, ibid.)

23 [page 170]. Hammer, dans sa Geschichte der Assassinen, pulsée à des sources orientales (Stuttgart et Tubingue, 1818), se range à l’opinion qui divise ces sectaires en imposteurs et en dupes ; il ne voit chez les chefs que de froids calculs, une incrédulité absolue et un affreux égoïsme. Sans doute les sources permettent de porter ce jugement ; toutefois il faut savoir reconnaître dans les informations ainsi utilisées la façon dont une orthodoxie victorieuse se comporte d’ordinaire à l’égard des sectes vaincues. À part les calomnies inventées par la méchanceté, il en est ici comme du jugement sur ce qu’on appelle « hypocrisie » dans la vie des individus. Une dévotion éclatante est pour le peuple ou bien une véritable sainteté ou une vile dissimulation cachant les plus honteux excès ; la délicatesse psychologique, qui sait dans un mélange de sentiments vraiment religieux, faire la part du brutal égoisme et des appétits vicieux est peu comprise du vulgaire quand il apprécie de pareils phénomènes. Hammer (page 20) expose ainsi son opinion personnelle sur la cause psychologique de la secte des Assassins : « Parmi toutes les passions qui ont jamais mis en mouvement les langues, les plumes et les glaives, renversé les trônes et ébranlé les autels, la première et la plus puissante est l’ambition. Les crimes lui plaisent comme moyens et les vertus comme masques. Rien n’est sacré pour elle et, malgré cela, elle se réfugie de préférence comme dans l’asile le plus sûr, dans ce que l’humanité a de plus saint, dans la religion. Aussi l’histoire des religions n’est-elle nulle part plus orageuse et plus sanglante que là où la tiare s’unit au diadème, qui reçoit ainsi plus de force qu’il n’en communique. » Mais où trouver un clergé qui ne soit pas ambitieux et comment la religion peut-elle rester pour l’humanité la chose la plus sacrée, quand ses ministres les plus élevés n’y trouvent que les moyens d’assouvir leur ambition ? Et pourquoi donc l’ambition est-elle une passion si fréquente et si dangereuse, elle qui n’arrive que par un chemin hérissé de ronces et de dangers à cette vie de jouissances regardée comme le but de tous les égoïstes ? Il est évident que, souvent et particulièrement dans les grandes crises de l’humanité, à l’ambition se joint presque toujours la poursuite d’un idéal en partie irréalisable, en partie personnifié dans le chef qui, par un étroit égoïsme, se regarde comme le représentant de cet idéal. Telle est aussi la raison pour laquelle l’ambition religieuse se manifeste si fréquemment ; l’histoire présente au contraire rarement des ambitieux qui, sans être croyants, emploient la religion comme principal levier de leur puissance. — Ces réflexions s’appliquent aussi aux jésuites, qui, dans certaines périodes de leur histoire, se sont certes fort rapprochés de la secte des Assassins,