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61 [page 122]. Voir chez Zeller[1] une réfutation des distinctions tentées par Ritter entre la doctrine de Lucrèce et celle d’Épicure. En revanche Teuffel[2] a parfaitement raison de faire ressortir l’enthousiasme de Lucrèce pour la « délivrance de la nuit de la superstition ». On pourrait préciser en disant que la haine ardente d’un caractère noble et pur contre l’influence dégradante et démoralisante de la religion est la véritable originalité de Lucrèce, tandis qu’aux yeux d’Épicure le but de la philosophie est sans doute aussi de nous délivrer de la religion, mais le philosophe grec poursuit ce but avec une parfaite tranquillité d’âme. Nous pouvons en cela reconnaître l’influence de la religion romaine qui était plus haïssable et plus pernicieuse que celle des Grecs ; il reste toutefois dans l’âme du poète latin un ferment d’amère répulsion contre toute religion et assurément l’importance, acquise par Lucrèce, dans les temps modernes, doit tout autant être attribuée à cette disposition particulière qu’à ses théories essentiellement épicuriennes.

62 [page 125]. Ici se trouve (nous suivons l’édition Lachmann I, 101) le vers expressif, si fréquemment cité :

Tantum religio potuit suadere malorum.

63 [page 128]. I, vers 726-738.

Quæ cum magna modis, etc.

64 [page 130]. On doit remarquer que la théorie d’Épicure, jugée au point de vue des connaissances et des idées de ce temps-là, argumente, sur plus d’un point important, mieux que celle d’Aristote et, si cette dernière se rapproche davantage des notions modernes, elle le doit au hasard plus qu’à l’excellence de sa dialectique. Ainsi par exemple toute la théorie d’Aristote repose sur l’idée d’un centre de l’univers, que Lucrèce (1, 1070) a raison de combattre, lui qui admet l’étendue infinie du monde. Lucrèce a aussi une idée plus exacte du mouvement, quand (I, 1074 et suiv.) il affirme que, dans le vide, ce vide fût-il au centre de l’univers, le mouvement une fois imprime ne peut être arrêté, tandis qu’Aristote, parlant de sa conception téléologique du mouvement, en trouve le terme naturel au centre du monde. Mais la supériorité de l’argumentation épicurienne apparaît surtout dans le rejet de la force centrifuge, naturellement ascendante, d’Aristote, que Lucrèce réfute très-bien (II, 184 et suiv. et probablement aussi, après le vers 1094, dans le passage perdu du premier livre) et ramène à un mouvement d’ascension déterminé par les lois de l’équilibre et du choc.

  1. Philos. d. Griechen, 2e éd., III, 1, p. 499.
  2. Gesch. d. röm. Liter., p. 326 (2e éd., p. 371).