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éloignées cependant de l’exposé ridicule à force d’erreurs et d’altérations, que nous en a donné Cicéron. On est donc bien autorisé à compléter la tradition défectueuse dans le sens de ces intuitions mathématiques et physiques qui supportent tout le système de Démocrite. Ainsi Zeller[1] a complètement raison de traiter des rapports entre la grandeur et la pesanteur des atomes ; en revanche, dans ce qu’il dit de la doctrine du mouvement, on retrouve encore quelque chose de l’obscurité qui affecte toutes les expositions modernes. Zeller remarque[2] que les atomistes ne paraissent pas avoir soupçonné que dans l’espace infini il n’y a ni haut ni bas ; que ce qu’Épicure[3] dit à ce sujet est trop superficiel, trop peu scientifique pour qu’on puisse l’attribuer à Démocrite. Mais c’est aller trop loin, car Épicure n’oppose nullement, comme l’admet Zeller[4], l’évidence sensible à l’objection qu’il n’y a ni haut ni bas. Il fait seulement cette remarque, parfaitement juste, que l’on peut attribuer à Démocrite, à savoir que, malgré cette relativité du haut et du bas dans l’espace infini, on peut considérer la direction de la tête aux pieds comme précise et réellement opposée à la direction des pieds à la tête, à quelque distance que l’on prolonge, par la pensée, la ligne sur laquelle cette dimension est mesurée. Ainsi donc, le mouvement général des atomes libres a lieu dans le sens du mouvement de la tête aux pieds, d’un homme placé sur la ligne du mouvement de haut en bas, lequel a pour diamétralement opposé le mouvement de bas en haut.

22 [page 19]. Voir Fragm. phys., II, Mullach, p. 358, et la remarque très-juste de Zeiler[5] sur la nature purement mécanique de cette réunion des choses homogènes. Mais il est moins certain que « le mouvement curviligne, le mouvement périphérique ou de tourbillon »[6] ait réellement joué, chez Démocrite, le rôle qu’admettent des auteurs postérieurs. On croirait plutôt qu’il n’a fait naître le mouvement de tourbillon de l’ensemble des atomes, mouvement dont provient le monde, qu’après que les atomes, surtout ceux de son enveloppe extérieure, eurent formé une masse compacte, cohérente, à l’aide de leurs crochets. Une pareille masse pouvait ensuite très-bien, en partie par le mouvement primitif de ses molécules, en partie par le choc des atomes venant du dehors, entrer dans un mouvement rotatoire. Les astres sont mus chez Démocrite, par l’enveloppe rotatoire du monde. Sans doute Épicure,

  1. Philos. der Griechen, p. 714.
  2. Philos. der Griechen., p. 714.
  3. Diogène, X, 60.
  4. Ibid., III, p. 1, 377 et suiv.
  5. Ibid., I, p. 717, note 1.
  6. Ibid., p. 715, dans le texte et note 2.