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fession, mettre enfin le travail au service de la vertu. La tendance opposée, l’élan vers le beau et le sublime, avait été préparée et développée longtemps avant le commencement de la période littéraire classique ; ici encore, c’est au sein des écoles que naquit et s’accentua ce mouvement vers le progrès. L’époque où disparut dans les universités l’usage exclusif du latin coïncide avec la restauration de l’ancien enseignement classique. Cet enseignement, dans presque toute l’Allemagne, était descendu à un niveau déplorable, durant la triste période où l’on étudiait le latin pour apprendre la théologie et où l’on étudiait la théologie pour apprendre le latin (106). Les écrivains classiques étaient remplacés par des auteurs néolatins, d’esprit exclusivement chrétien. Le grec était complètement négligé ou bien l’on se bornait au Nouveau Testament et à un recueil de sentences morales. Les poëtes, que les plus illustres humanistes plaçaient avec raison en tête des écrivains et qui, en Angleterre, jouissaient d’une autorité inébranlable, au grand profit de l’éducation nationale, avaient, en Allemagne, disparu des programme scolaires sans presque laisser de traces. Même dans les universités, les humanités étaient négligées et la littérature grecque complètement délaissée. On ne s’éleva point de cet humble niveau jusqu’à la brillante période de la philologie allemande qui commença à Frédéric-Auguste Wolff, par un saut brusque ni par une révolution venue du dehors, mais par de pénibles efforts successifs et grâce à l’énergique mouvement intellectuel, que l’on peut désigner sous le nom de deuxième renaissance en Allemagne. Gervinus se moque des « savants amoureux de l’antiquité, des compilateurs de matériaux, des hommes très prosaïques », qui, vers la fin du XVIIe siècle et au commencement du XVIIIe siècle, s’essayèrent partout « à poétiser dans leurs heures de loisir au lieu d’aller se promener » ; mais il oublie que ces mêmes savants, médiocres versificateurs, introduisirent silencieusement un autre esprit