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l’idéal le but suprême qu’aspire à réaliser la nature, bien qu’elle y soit éternellement impuissante. Et Kant n’asservit pas moins impérieusement le monde sensible que la conscience de l’homme aux fins supérieures de la raison pratique. Cette harmonie des puissances de la nature et de la pensée, nous la cherchons en vain dans la doctrine de Lange. Et par ce côté, elle est bien inférieure à l’œuvre des grands idéalistes.

Nous ne croyons pas non plus que Lange serve aussi bien qu’eux la cause de l’action et du progrès moral. Nous l’avons dit à maintes reprises, la nature de Lange est éminemment pratique. Ce qu’il poursuit avant tout, c’est l’harmonie de diverses énergies de l’âme. Il veut faire cesser le divorce de la science et de la spéculation, de l’idéal et du réel, où s’épuisent les meilleures intelligences ; et tourner contre l’ennemi commun, c’est-à-dire contre la souffrance physique et morale, contre la misère sociale en un mot, les forces combinées de la science, de l’art, de la moralité, de la spéculation. Il ne combat si énergiquement en faveur des droits du mécanisme contre les prétentions de la métaphysique, que parce que le premier est le seul instrument efficace de la lutte engagée par l’esprit contre les puissances de la matière ; et il ne brise, à leur tour, les fausses idoles du matérialisme, avec une si généreuse impatience, que parce que l’égoïsme économique en fait ses divinités protectrices. S’il veut protéger contre le souffle glacé des abstractions scientifiques les inventions délicates de l’imagination poétique, ou les nobles inspirations de la métaphysique, c’est qu’il croit à leur vertu éducatrice, à leurs bienfaisantes influences. Il n’insiste sur la mission sociale de la religion, et n’appelle de toutes les forces de