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résultats des sciences de la nature. Il est vrai que les idées nouvelles rencontreront une vive opposition ; mais l’expérience prouvera qu’elles sont essentiellement salutaires. Toutefois, quand il s’agit de leur propagation, il ne faut pas se borner à envisager le présent, il faut aussi regarder l’avenir et l’humanité entière. Le temps et le progrès des siècles finiront par éclairer à leur tour les princes qui maintenant s’opposent avec tant d’obstination à la vérité, à la justice et à la liberté humaine.

Le même esprit anime le chapitre final : on croit y reconnaître naître la plume enthousiaste de Diderot. Cette « Esquisse du code de la nature » n’est pas un catéchisme sec et aride, comme la Révolution française en rédigea d’après les principes de d’Holbach ; c’est plutôt un magnifique morceau de style et, sous bien des rapports, un véritable chef-d’œuvre. Dans un paragraphe assez long, d’Holbach, comme Lucrèce. fait parler la Nature. Elle invite les hommes à suivre ses lois, à jouir du bonheur qui leur est accordé, à servir la vertu, à mépriser le vice, sans haïr les vicieux, dont il faut plutôt avoir pitié comme d’inlbrtunés. La Nature à ses apôtres sans cesse occupés à créer le bonheur du genre humain. S’ils n’y réussissent pas, ils auront du moins la satisfaction de l’avoir essayé.

La Nature et ses filles, la Vertu, la Raison et la Vérité, sont finalement invoquées comme les seules divinités qui méritent d’être encensées et adorées. Ainsi, par un élan poétique, après avoir détruit toutes les religions, le Système de la nature donne lui-même naissance à une nouvelle religion. Cette religion pourra-t-elle dans la suite produire à son tour un clergé ambitieux ? Le penchant de l’homme vers le mysticisme est-il assez grand pour que les thèses de l’ouvrage, qui rejette même le panthéisme et efface le nom de la divinité, deviennent les dogmes d’une nouvelle Église qui saura mêler habilement l’intelligible et l’inintelligible, et créer des cérémonies et des formes de culte ?