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si les principes du christianisme, après avoir lutté pendant des milliers d’années, sous la forme mythique, contre la brutalité des hommes, ne portent pas leurs meilleurs fruits au moment où leur forme peut disparaître, l’humanité étant devenue capable de concevoir la pensée pure dégagée du symbole. Quant à ce qui concerne la forme religieuse en soi et surtout ce penchant de l’âme pour le culte et les cérémonies ou bien pour les émotions qui troublent et énervent la vie de l’âme, penchant qu’on a tant de fois confondu avec la religion, on peut se demander si la mollesse et la sensibilité excessive qui en résultent, si l’oppression du bon sens et la corruption de la conscience naturelle qui s’y joignent, ne sont pas souvent très-pernicieuses pour les peuples comme pour les individus. Du moins l’histoire des hospices d’aliénés, les annales de la justice criminelle et la statistique morale, fournissent des faits dont l’ensemble pourrait constituer un jour une démonstration empirique. D’Holbach sait peu de chose à cet égard. En général, il procède non empiriquement. mais déductivement ; et toutes ses hypothèses relatives à l’influence de la religion reposent sur l’appréciation exclusive des dogmes par le simple raisonnement. Avec cette méthode, le résultat de sa critique ne peut qu’être fort insuffisant.

Bien plus incisifs et profonds sont les chapitres où d’Holbach démontre qu’il y a des athées et que l’athéisme peut se concilier avec la morale. Il s’appuie sur Bayle qui, le premier, déclara nettement que les actions des hommes ne résultent pas de leurs idées générales, mais de leurs penchants et de leurs passions.

La manière, dont il traite la question de savoir si tout un peuple peut professer l’athéisme ne manque pas d’intérêt. Nous avons montré à plusieurs reprises les tendances démocratiques du matérialisme français, qui contrastent singulièrement avec l’effet produit par cette conception du monde en Angleterre. D’Holbach n’est certainement pas moins révolutionnaire que de la Mettrie et Diderot ; d’où vient donc