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le peuple à des conceptions plus pures, uniquement parce que ce penchant grossier vers le mystérieux reste toujours trop puissant. On voit ainsi que, dans ce combat à outrance contre les préjugés, le préjugé lui-même vient encore jouer un rôle très-important.

C’est de la même façon que d’Holbach raisonne particulièrement dans les chapitres consacrés aux rapports de la religion avec la morale. Bien loin de procéder en critique et de combattre le préjugé, qui fait de la religion la seule base des actes moraux, le Système de la nature s’efforce de démontrer combien les religions positives, et surtout le christianisme, portent atteinte à la morale. Les dogmes et l’histoire lui fournissent nombre de faits à l’appui de cette thèse qui, en général, est soutenue d’une manière superficielle. Ainsi, par exemple, il y a détriment pour la morale, quand la religion promet le pardon aux méchants, tandis qu’elle accable les bons sous le poids de ses exigences. Les uns sont donc encouragés et les autres découragés. Mais quelle action dans le cours des siècles devait avoir sur l’humanité cet affaiblissement de l’opposition traditionnelle entre les « bons » et les « méchants », voilà ce que n’a point examiné le Système de la nature. Et cependant un véritable système de la nature devrait nous montrer que cette opposition si tranchée est mensongère, qu’elle a pour conséquence de faire opprimer de plus en plus le pauvre, avilir le faible et maltraiter le malade, tandis qu’en affirmant l’égalité des fautes et en préparant la conscience de l’humanité à l’entendre, le christianisme s’accorde parfaitement avec les conclusions auxquelles doivent nous mener l’étude scrupuleuse de la nature et particulièrement l’élimination de l’idée du libre arbitre. Les « bons », c’est-à-dire les heureux, ont de tout temps tyrannisé les malheureux. Assurément, sur ce point, le moyen âge entretien ne vaut pas mieux que le paganisme ; et il a fallu les lumières des temps modernes pour amener une amélioration sensible. L’historien devra se demander sérieusement