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raison de nous borner à effleurer la période qui s’écoula entre L’Homme-machine et le Système de la nature, malgré les riches enseignements qu’elle fournirait à l’historien de la littérature, pour passer immédiatement à l’ouvrage qui a été souvent nommé le code ou la bible du matérialisme.

Le Système de la nature, avec son langage franc et loyal, la marche presque allemande de ses idées et sa prolixité doctrinaire, donna d’un coup le résultat précis de toutes les idées ingénieuses qui fermentaient à cette époque ; et ce résultat, présenté sous une forme rigoureuse et définitive, déconcerta ceux même qui avaient le plus contribué à l’atteindre. De la Mettrie avait principalement effrayé l’Allemagne. Le Système de la nature effraya la France. Si l’insuccès de de la Mettrie en Allemagne fut en partie dû à sa frivolité, qui est souverainement antipathique aux Allemands, le ton grave et didactique du livre de d’Holbach eut certainement sa part dans la répulsion qu’il inspira en France. Une grande différence aussi résulta de l’époque où les deux livres parurent, vu l’état des esprits chez les deux nations respectives. La France approchait de sa révolution, tandis que l’Allemagne allait entrer dans la période de floraison de sa littérature et de sa philosophie. Dans le Système de la nature, nous sentons déjà le souffle impétueux de la Révolution.

C’est en 1770 que parut, soi-disant à Londres, en réalité à Amsterdam, l’ouvrage intitulé : Système de la nature ou des loix du monde physique et du monde moral. Il portait le nom de Mirabaud, mort depuis dix ans et, par superfétation, il donnait une courte notice sur la vie et les écrits de cet homme, qui avait été secrétaire de l’Académie française. Personne ne crut à cette paternité littéraire ; mais, chose remarquable, personne ne devina la véritable origine du livre, bien qu’il fût sorti du quartier général matérialiste et qu’il ne fût en réalité qu’un anneau de la longue chaîne des productions littéraires d’un homme tout à la fois sérieux et original.