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chez les derniers. Les uns et les autres agissent avec nécessité. De la Mettrie croit devoir en inférer que le repentir est absolument condamnable, parce qu’il ne fait que troubler la tranquillité de l’homme sans influer sur sa conduite.

Il est intéressant de remarquer que c’est précisément ici, dans la partie la plus faible de son système, qu’il s’est glissé chez de la Mettrie une contradiction flagrante avec ses propres principes ; aussi est-ce sur ce terrain que la critique dirigée contre son caractère personnel s’est le plus exercée. Indiquons, pour ne le faire paraître ni trop bon ni trop mauvais, comment il en vint à sa polémique contre les remords. — Le point de départ fut évidemment l’observation que, par l’effet de notre éducation, nous éprouvons souvent des scrupules et des remords pour des choses, que le philosophe ne peut considérer comme condamnables. Il faut d’abord et naturellement penser ici à toutes les relations de l’individu avec la religion et l’Église, puis surtout aux jouissances sensuelles, prétendues innocentes, particulièrement à l’amour sexuel. Sur ce terrain, de la Mettrie et, après lui, les écrivains français de cette époque étaient dépourvus d’un discernement éclairé, parce que, dans la seule société qu’ils connussent, les bienfaits de la discipline, dans la vie de famille, et de la moralité supérieure qui en est inséparable, n’étaient que trop sacrifiés et presque oubliés. Les idées excentriques d’une récompense systématique de la vertu et de la bravoure par les faveurs des femmes les plus belles, que recommande Helvétius, ont leur prélude chez de la Mettrie, qui se plaint que la vertu perde une partie de ses récompenses naturelles par suite de scrupules inutiles et non motivés. Il généralise ensuite cette thèse en définissant les remords comme des droits d’un état moral antérieur qui n’a plus de sens véritable pour nous.

Mais ici de la Mettrie oublie sans doute qu’il a donné expressément il l’éducation la plus haute importance pour