Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prononcer quantité de mots et former des discours, pourquoi les fibres du cerveau ne pourraient-elles pas produire des mouvements encore plus nombreux ? Or tout dépend de ces flbres, comme on le voit particulièrement dans les délires. Tant que le sang bouillonne et que les fibres sont par conséquent agitées d’une manière inégale et confuse, il y a frénésie ; si ce mouvement s’opère sans fièvre, c’est la manie. Le sang lui-même peut donner des idées fixes, comme le prouvent l’hydrophobie, la piqûre de la tarentule, etc.

Une autre espèce de maladie mentale est l’ignorance, dont l’éducation, l’instruction et la discipline doivent nous délivrer. « Cette éducation et cette instruction sont la véritable âme qui fait de l’homme une créature raisonnable. » (P. 25, Ire éd.) — Dans un autre passage (p. 39), l’auteur croit que ceux qui distinguent trois éléments dans l’homme : l’esprit, l’âme et le corps, feraient mieux d’entendre par esprit l’instruction qu’on a reçue ; par âme, l’aptitude de tous les membres de notre corps, particulièrement des fibres du cerveau, en un mot, la faculté de penser. (« Die aptitudinem omnium membrorum corporis nostri, sonderlich fibrarum cerebri, mit einem Worte, facultatem. »)

L’auteur est très-prolixe quand il s’efforce de se mettre d’accord avec la Bible ; mais souvent son orthodoxie apparente se trahit par des remarques ironiques et malicieuses. Au reste, le fond de cette première lettre se rapproche beaucoup de l’esprit matérialiste primitif de la doctrine d’Aristote, qui fait de la forme une propriété de la matière. Aussi l’auteur cite-t-il avec prédilection Straton et Dicéarque, tout en déclarant ne point partager leur athéisme ; mais ce qui lui plaît surtout, c’est la définition de l’âme par Melanchthon ; aussi y revient-il à plusieurs reprises. La définition de l’âme ou de l’esprit comme résultat de l’instruction est, dans un passage (p. 35 de la Ire éd.), formellement attribuée à Averroès et il Thémistius ; mais on voit aisément qu’ici le panthéisme platinisant d’Averroès se change en matérialisme.