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tion de 1723, qui est désignée comme la quatrième, il s’étonne, en passant, avec tout le public, de ce que les trois premières n’ont pas été confisquées (49). Weller, dans son Dictionnaire des pseudonymes, nomme comme les auteurs de cette correspondance J.-G. Westphal, médecin de Delitzsch, et J.-D. Hocheisel (Hocheisen, professeur suppléants la faculté de philosophie de Wittenberg ?). Particularité bizarre, le siècle dernier attribuait ces lettres aux deux théologiens Rœschel et Bucher, dont le dernier était un orthodoxe passionné et n’aurait certes pas consenti à devenir le correspondant d’un athée, c’est ainsi qu’on appelait alors un cartésien, un spinoziste, un déiste, etc. Rœschel, qui était en même temps un physicien, pourrait bien avoir écrit la deuxième lettre (anti matérialiste), si l’on veut en juger par des raisons intrinsèques. Mais on est encore embarrassé (50) pour dire quel était le véritable auteur matérialiste de la première et de la troisième lettre, sinon de tout l’ouvrage. Cet opuscule, dont le style déplorable reflète la triste époque de sa composition, est écrit en allemand entremêlé de locutions latines et françaises ; on y trouve un esprit vif, une pensée profonde. Les mêmes idées, sous une forme classique et chez une nation qui ne croit qu’en elle-même, auraient peut-être eu le même succès que les écrits de Voltaire ; mais à cette époque, la prose allemande se trouvait au zéro du thermomètre de sa valeur. L’élite des libres-penseurs puisait alors sa science dans les écrits du Français Bayle, et, après qu’on eut dévoré avidement plusieurs éditions de l’écrivain allemand, le livre tomba dans l’oubli.

L’auteur de ces lettres se rendait bien compte de la situation : « J’espère, dit-il, qu’on ne me saura pas mauvais gré de les avoir écrites en allemand : je ne prétendais pas les destiner à l’éternité (œternitati) ». Il a lu Hobbes, mais, ajoutait-il, « dans un autre esprit » ; quant aux novateurs français, il n’en pouvait encore rien savoir (51). Dans l’année