Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/353

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

essaie, il est vrai, de ramener complètement la pensée et la sensation humaines à des vibrations du cerveau ; et l’on ne peut nier que le matérialisme ait largement puisé dans cette théorie. Mais, dans l’esprit de Hartley, cette conception ne pèche pas contre l’orthodoxie. Hartley divise consciencieusement l’homme en deux parties : le corps et l’âme. Le corps est l’instrument de l’âme ; le cerveau est l’instrument de la sensation et de la pensée. D’autres systèmes aussi, fait-il remarquer, admettent que toute modification de l’esprit est accompagnée d’une modification correspondante du corps. Son système, fondé sur la doctrine de l’association des idées, se contente de donner une théorie complète des modifications cérébrales qui leur correspondent. La doctrine de l’association des idées, comme fondement des opérations intellectuelles, existe déjà en germe chez Locke. Un ecclésiastique, le révérend Gay (3) fut le prédécesseur immédiat de Hartley, en essayant d’expliquer tous les phénomènes psychiques au moyen d’associations. C’est sur cette base que la psychologie s’est conservée en Angleterre jusqu’à nos jours ; mais personne ne doutait sérieusement que ces associations elles-mêmes n’eussent pour fondement des faits précis survenant dans le cerveau, ou, pour parler avec plus de circonspection, qu’elles ne fussent accompagnées de fonctions correspondantes du cerveau. Hartley n’apporte dans cette question que la théorie physiologique ; mais ce fut précisément cette circonstance qui, en réalité, malgré toutes ses protestations, fit de lui un matérialiste. En effet, tant qu’on parle des fonctions du cerveau d’une manière vague et générale, on peut laisser l’esprit faire jouer à volonté son instrument, sans qu’aucune contradiction manifeste se découvre en cela. Mais, dès qu’on s’avise de pousser le principe général jusqu’à ses dernières conséquences, on voit que le cerveau matériel est aussi soumis aux lois de la nature matérielle. Les vibrations, en apparence si inoffensives, qui accompagnaient la pensée, se révèlent maintenant comme les effets d’un