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page surtout par le langage. Dès que l’on a pris les mots pour des images adéquates aux choses ou qu’on les a confondus avec des êtres réels et visibles, tandis que ce ne sont que des signes arbitraires, dont il faut user avec précaution à propos de certaines idées, on ouvre le champ à d’innombrables erreurs. Aussi la critique de la raison chez Locke se change en une critique du langage ; et, grâce à ses idées fondamentales, cette critique acquiert une plus haute importance que n’importe quelle autre partie de son système. En réalité, Locke a frayé la voie à l’importante distinction entre l’élément purement logique et l’élément psychologique-historique du langage ; mais, à part les ébauches des linguistes, on n’a encore guère avancé dans cette direction. Et cependant la plupart des arguments employés dans les sciences philosophiques pèchent grièvement contre la logique, parce que l’on confond sans cesse le mot et l’idée. L’ancienne opinion matérialiste sur la valeur purement conventionnelle des mots se change donc, chez Locke, en une tentative de rendre les mots purement conventionnels, parce qu’ils n’ont un sens précis que grâce à cette restriction.

Dans le dernier livre, Locke étudie l’essence de la vérité et de notre intellect. Nous exprimons une vérité lorsque nous associons comme il convient les signes, c’est-à-dire les mots qui constituent un jugement. La vérité que nous traduisons ainsi par de simples paroles peut d’ailleurs n’être qu’une chimère. Le syllogisme a peu d’utilité, car notre pensée s’applique toujours, médiatement ou immédiatement, à un cas particulier. La « révélation » ne peut pas nous donner d’idées simples ; elle ne peut par conséquent étendre réellement le cercle de nos connaissances. La foi et la pensée sont dans des rapports tels que cette dernière peut seule décider en dernier ressort, autant que le permet sa portée. Locke finit cependant par admettre différentes choses, qui sont au-dessus de notre intelligence et appartiennent dès lors au domaine de la foi. Quant à la conviction enthousiaste,