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gieuses, que ce philosophe étudia in partir de ce moment-là avec autant de zèle que de constance.

Hobbes avait été absolutiste ; Locke appartint au parti libéral ; ce n’est peut-être même pas sans raison qu’on l’a surnommé le père du constitutionnalisme moderne. Le principe de la séparation des pouvoirs législatif et exécutif, que Locke vit triompher en Angleterre, fut théoriquement exposé par lui pour la première fois (73). Locke se vit entraîné dans le tourbillon de l’opposition, avec son ami et protecteur lord Shaftesbury après avoir, pendant peu de temps, occupé un emploi au ministère du commerce. Il passa de longues années sur le continent, d’abord dans un exil volontaire, que les poursuites du gouvernement changèrent bientôt en bannissement. À cette école, se trempa son amour de la tolérance religieuse et de la liberté politique. Il rejeta l’offre de puissants amis, qui voulaient obtenir son pardon de la cour, en leur répondant qu’il était innocent ; il ne fut rendu à sa patrie que par la révolution de 1688.

Dès le commencement de et carrière politique, en 1669, Locke rédigea une constitution pour la Caroline, dans l’Amérique du Nord ; mais cette constitution ne se maintint pas longtemps ; elle était peu en rapport avec le libéralisme que la maturité de l’âge lui inspira dans la suite. Bien plus importantes sont, au contraire, ses dissertations sur la question monétaire, écrites, il est vrai, dans l’intérêt spécial des créanciers de l’État, mais renfermant une telle quantité de réflexions lumineuses que l’on peut regarder Locke comme le précurseur des économistes anglais (74).

Nous retrouvons donc devant nous un de ces philosophes anglais qui, placés dans la vie réelle et avant étudié l’humanité sous toutes ses faces, se sont ensuite occupés de la solution de questions abstraites. Locke commença, dès l’année 1670, son célèbre ouvrage sur l’Entendement humain, dont l’entière publication n’eut lieu que vingt ans plus tard. Bien qu’on sente, dans cet écrit, l’influence de l’exil qui