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lacunes de l’expérience et du calcul, et de donner satisfaction à nos instincts du beau et du bien, aux aspirations de notre imagination et de notre cœur, dont le savant n’a que faire, ou plutôt dont il doit constamment se défier.

Évidemment le matérialisme ne répond pas à ces besoins nouveaux de l’âme philosophique. Le même Lange, que nous avons vu si bien glorifier les services rendus par le matérialisme à la cause de la science, ne se complaît pas moins maintenant à en faire ressortir l’irrémédiable pauvreté, les vices incurables.

Le matérialisme affirme l’existence de la matière et du mouvement : mais que sont la matière et le mouvement ? À toutes les époques, avec Démocrite et Épicure dans l’antiquité, avec Gassendi, Hobbes, de la Mettrie et d’Holbach aux XVIIe et XVIIIe siècles, avec Moleschott et Büchner de notre temps, nous n’obtenons que des réponses contradictoires ou insuffisantes. Tantôt la matière semble se réduire au mouvement ; tantôt elle est, à la fois, le principe mystérieux du mouvement et de la pensée. Ici elle se résout en une collection d’atomes ; là elle est identifiée, sous le nom obscur de nature, avec le principe universel et unique de la vie. Quand les matérialistes définissent la matière comme l’atome en mouvement, ils n’analysent pas assez l’idée de matière et celle de mouvement, pour s’apercevoir que ces deux idées supposent celles du temps et d’espace, et que ces dernières, à leur tour, appellent la discussion philosophique. Au contraire, ils n’hésitent point, par un grossier sophisme, à faire dériver les idées de temps et d’espace de celles de matière et de mouvement. L’atome, auquel la matière se réduit pour eux, ne saurait être une donnée des sens : et cependant les