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L’aveuglement et l’absurdité de la foi ne sont affirmés dans aucun système avec une aussi grande netteté que dans celui-ci, quoique, sur plus d’un point, Bacon et Gassendi suivent la même voie. Aussi Schaller dit-il judicieusement, en parlant de l’attitude de Hobbes vis-à-vis de la religion : « la possibilité psychologique d’une semblable attitude est pareillement un mystère, de sorte qu’avant tout il faudrait que l’on pût croire à la possibilité d’une foi ainsi caractérisée » (21). Quant au véritable point d’appui de cette théorie religieuse, on le trouve dans le système politique de Hobbes.

On sait que Hobbes passe pour le fondateur de l’absolutisme politique, qu’il déduit de la nécessité d’éviter, par une volonté suprême, la guerre de tous contre tous. Il admet que l’homme, naturellement égoïste, même quand il est né pacifique, ne peut vivre sans léser les intérêts d’autrui, sa seule tendance étant de garantir ses propres intérêts. Hobbes réfute l’assertion d’Aristote, qui fait de l’homme un animal naturellement porté à organiser des États, comme l’abeille, la fourmi et le castor. Ce n’est point par instinct politique, mais par la crainte et le raisonnement que l’homme en viendrait à s’associer avec ses pareils dans un but de commune sécurité. Hobbes nie ensuite avec une logique opiniâtre toute distinction absolue entre le bien et le mal, entre la vertu et le vice. Aussi l’individu ne peut-il parvenir à se fixer d’une manière positive sur la valeur de ces expressions ; il se laisse guider uniquement par son intérêt et, tant que la volonté supérieure de l’État n’existe pas, on ne saurait le lui reprocher plus qu’à l’animal carnassier qui déchire les bêtes inférieures en force.

Bien que toutes ces assertions se coordonnent fort logiquement entre elles et soient conformes à l’ensemble du système, Hobbes aurait pu cependant, sans se contredire, admettre comme vraisemblable l’existence d’un instinct politique naturel et même d’une évolution spontanée de