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pouvoir absolu en fait de culte ; l’individu ne doit pas manifester son opinion, mais il peut la garder intérieurement, car nos pensées ne sont pas soumises à la volonté d’autrui ; aussi ne peut-on forcer personne à croire (3).

En réhabilitant Épicure et en restaurant sa doctrine, Gassendi ne pouvait pas se permettre trop de libertés. Son avant-propos de la biographie d’Épicure fait assez voir que l’on paraissait plus téméraire en s’avouant épicurien qu’en mettant au jour une cosmogonie nouvelle (4). Toutefois sa justification manque de profondeur ; elle se distingue par une dialectique habile, mais superficielle, tactique dont on s’est toujours mieux trouvé, vis-à-vis de l’Église, que lorsqu’on a voulu concilier, d’une manière savante et originale, les doctrines de l’Église avec des éléments étrangers ou même hostiles.

Si Épicure était païen, Aristote l’était aussi. Épicure avait raison de combattre la superstition et même la religion, car il ne connaissait pas la vraie religion. En enseignant que les dieux ne punissent ni ne récompensent et en les adorant à cause de leur seule perfection, il manifestait une vénération enfantine, mais non servile, par conséquent une piété plus pure et plus rapprochée de celle des chrétiens. Les erreurs d’Épicure doivent être soigneusement évitées : Gassendi le fait dans cet esprit cartésien, que nous avons appris à connaître, à propos des théories de la création et du mouvement. Il déploie le zèle le plus sincère pour revendiquer en faveur d’Épicure, de préférence à tous les autres philosophes de l’antiquité, la plus grande pureté de mœurs. On ne nous contestera donc pas le droit de considérer Gassendi comme le véritable rénovateur du matérialisme, d’autant plus que son influence fut très-grande sur les générations qui le suivirent.

Pierre Gassendi, né en 1592, aux environs de Digne en Provence, était le fils de pauvres campagnards. D’une intelligence précoce et heureusement cultivée, il était à seize ans professeur de rhétorique, et à dix-neuf professeur de philo-