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telle que nous la trouvons chez Paracelse, est du nombre des absurdités de cette époque dont Bacon sut assez bien se préserver. Les esprits (spiritus) n’ont pour lui ni pieds ni mains. Il est assez étonnant que le « restaurateur des sciences physiques » ait pu faire un si colossal abus des esprits pour expliquer la nature sans être démasqué par les vrais savants de son temps. Mais c’est notre histoire. De quelque côté que l’on regarde, on trouvera des phénomènes analogues. Quant aux rapports du matérialisme avec la morale, question qui revient si souvent, on peut admettre sans hésiter qu’avec un caractère plus pur et plus ferme, Bacon aurait sans doute été conduit par l’originalité de sa pensée à des principes réellement matérialistes. Ce n’est pas la logique imperturbable, mais la demi-science et la faiblesse que nous trouvons chez lui unies à l’immoralité.

Descartes, le patriarche de la série des philosophes qui suivirent la ligne opposée à Bacon, en rétablissant le dualisme entre l’esprit et le monde des corps, en prenant pour son point de départ le fameux cogito ergo sum, semblerait n’avoir contribué, par son antagonisme même, qu’à rendre le matérialisme plus logique et plus clair. Mais alors, comment expliquer ce fait que le plus intraitable des matérialistes français, de la Mettrie, s’obstinât à vouloir passer pour cartésien et cela non sans motifs fondés ? Il y a donc ici encore une connexion plus directe, entre Descartes et le matérialisme, sur laquelle nous reviendrons.

En ce qui concerne les principes de l’étude de la nature, Bacon et Descartes débutent en rejetant toute philosophie antérieure, principalement celle d’Aristote. Tous deux commencent par douter de tout, mais Bacon, pour se laisser ensuite guider par la perception extérieure vers la découverte de la vérité ; Descartes, pour faire sortir la vérité à force de déductions, de cette conscience de soi-même qui seule a survécu chez lui au doute général.

Il est incontestable qu’ici le matérialisme existe seulement