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faient la voix calme de la raison, des études sérieuses, consacrées à la nature extérieure, posaient en silence la base inébranlable d’une conception du monde complètement modifiée.

En 1543, parut, dédié au pape, le livre de Nicolas Copernic, de Thorn, sur les Révolutions des corps célestes. On raconte que le vénérable savant reçut, vers la fin de sa vie, le premier exemplaire de son grand ouvrage et qu’ensuite il sortit de ce monde, avec calme et satisfaction (54).

Ce qu’aujourd’hui, après trois siècles écoulés, le moindre écolier doit savoir : que la terre tourne sur elle-même et autour du soleil, était alors une grande vérité, toute nouvelle, malgré les quelques précurseurs de Copernic, et diamétralement opposée à l’opinion générale. Mais c’était aussi une vérité qui se heurtait contre Aristote et avec laquelle l’Église n’avait pas encore fait la paix. Ce qui protégea jusqu’à un certain point la théorie de Copernic contre les insultes de la foule conservatrice, contre le fanatisme des prêtres tant professeurs que prédicateurs[1], ce fut la forme essentiellement scientifique et l’argumentation irrésistible de l’ouvrage, auquel le chanoine de Frauenbourg avait travaillé pendant trente-trois années avec une constance admirable. C’est un sublime spectacle de voir un homme qui, saisi d’une idée destinée à remuer le monde, se retire dans une retraite volontaire, à l’âge où il est encore dans toute l’ardeur créatrice du génie, pour consacrer le reste de sa vie à l’étude approfondie de cette même idée dont il a compris toute la puissance. De la l’enthousiasme des premiers disciples d’abord peu nombreux ; de là l’étonnement des pédants et la réserve de l’Église.

Dans ces circonstances, la publication de Copernic était audacieuse ; aussi le professeur Osiander, qui s’en était chargé, la fit-il précéder, suivant l’usage du temps, d’un avant-pro-

  1. L’expression de l’auteur est plus dure : Schul-und Kirchenpfaffen : calotins d’école et d’église.