Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que les derniers siècles du moyen âge virent paraître, sous l’influence de la philosophie arabe et de la logique byzantine, tantôt une liberté effrénée de la pensée, tantôt des aspirations impuissantes vers cette même liberté de la pensés. Nous retrouvons une forme particulière de cette lutte infructueuses dans la théorie de la vérité double, de la vérité philosophique et de la vérité théologique, qui peuvent exister l’une à côté de l’autre, tout en différant complètement dans leur essence. On voit que cette théorie fut le modèle de ce qu’on appelle aujourd’hui fort improprement, mais très-obstinément la « tenue des livres en partie double » (42).

Cette doctrine était enseignée surtout au XIIIe siècle, dans l’université de Paris où, avant 1250, parut l’assertion étrange alors « que, de toute éternité, il y a eu beaucoup de vérités qui n’étaient pas Dieu lui-même ». Un professeur de Paris, Jean de Brescain, se justifia de ses erreurs, l’an 1247, en disant que ces doctrines, déclarées hérétiques par l’évêque, il les avait enseignées « philosophiquement » et non « théologiquement ». Bien que l’évêque repoussât avec fermeté de pareils subterfuges, l’affirmation audacieuse de semblables théories, « purement philosophiques », paraît avoir grandi sans cesse ; car, dans les années 1270 et 1276, on condamna de nouveau toute une série de propositions de ce genre, qui étaient évidemment d’origine averroïstique. La résurrection, la création du monde dans un temps donné, la transformation de l’âme individuelle étaient niées au nom de la philosophie, tandis que ces théories étaient reconnues vraies « suivant la foi catholique ». Mais avec quelle sincérité était faite cette reconnaissance si prompte de la vérité théologique ? Nous le saurons en voyant, dans les thèses condamnées, les propositions suivantes : « On ne peut rien savoir de plus parce que la théologie sait tout ce qu’il est possible de savoir. » « La religion chrétienne empêche d’en apprendre davantage. » « Les véritables sages de ce