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conception grossière du peuple et dans l’histoire des transformations innombrables du dogme.

On pourrait croire que, grâce à ces avantages du christianisme, une science nouvelle aurait du s’épanouir aussitôt à la suite de sa victoire ; mais il est aisé de voir pourquoi il n’en fut pas ainsi. D’abord, il faut se rappeler que le christianisme était une religion du peuple ; qu’il avait grandi et s’était développé de bas en haut, jusqu’au moment où il devint la religion de l’État. Les plus hostiles à la nouvelle religion étaient précisément les philosophes ; et leur hostilité était d’autant plus grande qu’ils étaient moins portés aux caprices et aux fantaisies de l’imagination philosophique (13). Bientôt après, le christianisme s’introduisit chez de nouvelles nations, jusqu’alors inaccessibles à la civilisation ; on ne doit donc pas s’étonner si, dans une école naissante, il fallut gravir de nouveau tous les degrés qu’avaient franchis la Grèce et l’Italie, depuis l’époque de leurs plus anciennes colonisations.

Avant tout, rappelons-nous que l’influence de la doctrine chrétienne ne reposait nullement sur ses grands principes théologiques, mais sur la purification morale par le renoncement aux plaisirs mondains, sur la théorie de la rédemption et l’espoir d’un second avènement du Christ.

D’ailleurs, par l’effet d’une nécessité psychologique, dès que ce prodigieux succès eut réintégré la religion dans ses anciens droits, les éléments païens vinrent de toutes parts se fondre dans le christianisme, qui posséda bientôt sa propre et riche mythologie. Ainsi devint impossible, durant des siècles, non-seulement le matérialisme, mais encore tout système logique de philosophie moniste.

Le matérialisme surtout fut rejeté dans l’ombre. La tendance dualiste de la religion du Zend-Avesta, qui appelle mauvais principe le monde et la matière, et bon principe Dieu et la lumière, présente d’étroits rapports avec le christianisme par son idée fondamentale et plus encore par son développe-