Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

thaumaturges et les prophètes, avec les jongleurs et les charlatans qui les escortaient, trouvaient une riche pâture ; parfois fois les Juifs eux-mêmes y faisaient un prosélyte (3).

La plèbe des villes, plongée dans l’ignorance, manquait de caractère aussi bien que les grands à demi instruits. On vit donc, à cette époque, s’épanouir dans tout son éclat le matérialisme pratique, le matérialisme de la vie.

Sur ce point encore, les idées dominantes ont besoin d’être éclaircies. Il existe aussi un matérialisme de la vie qui, dédaigné par les uns, vanté par les autres, n’est pas moins digne d’attention que toute autre tendance pratique.

Quand on aspire, non à une jouissance fugitive, mais au perfectionnement général de la vie ; quand l’énergie de l’esprit d’entreprises matérielles est dirigée par un calcul judicieux, qui étudie les conditions essentielles de chaque entreprise et sait ainsi atteindre le but, alors on voit se réaliser des progrès gigantesques, comme ceux qui, dans l’espace de deux siècles, ont fait la grandeur de l’Angleterre actuelle, et qui dans Athènes, à l’époque de Périclès, s’associèrent au plus brillant développement de la vie intellectuelle qui ait jamais été atteint par un peuple.

Tout autre était, dans la Rome des empereurs, le matérialisme qui se développe pareillement si Byzance, à Alexandrie et dans les autres villes importantes de l’empire. La question d’argent dominait ici également les masses, où les individus dans leur mutuel isolement, étaient dévorés par cette cupidité qu’ont si bien dépeinte Horace et Juvénal ; mais on n’y trouvait pas ces grands principes du développement de l’énergie nationale, de l’exploitation solidaire des ressources naturelles, qui ennoblissent les tendances matérielles d’une époque : s’ils ont pour point de départ la matière, ils provoquent le déploiement de la force qui est en elle. Au lieu de ce matérialisme prospère et vigoureux, Rome ne connaissait que celui de la putréfaction. La philosophie s’accommode du premier comme de tout ce qui a des principes :