Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aussi exactement que possible en ce qui concerne l’idée fondamentale (73).

Lucrèce dit à propos des causes du mouvement des astres :


Nam quid in hoc mundo sit eorum ponere certum
Difficile est : sed quid possit flatque per omne
In variis mundis, varia ratione creetis,
Id doceo plurisque sequor disponere causas,
Molibus astrorum, quæ possint esse per omne.
E quibus una tamen siet hæc quoque causa necesse est,
Quæ vegeat motum signis, sed quæ sit carum
Præcipere haud quaquam est pedetentim progredientis.[1] (74)


Cette idée que la somme totale des possibilités, vu le nombre infini des mondes, est aussi représentée quelque part, convient parfaitement au système épicurien. Ce système identifie la somme de ce qui est possible pour la pensée avec la somme de ce qui est réellement possible et aussi avec ce qui existe réellement dans un quelconque des mondes infiniment nombreux. Cette conception peut encore aujourd’hui servir à faire comprendre la doctrine, en vogue, de l’identité de l’être et de la pensée. En tant que la physique épicurienne raisonne sur la totalité des choses possibles et non sur des possibilités particulières quelconques, elle s’applique en même temps à la réalité dans son ensemble. C’est seulement quand il s’agit de conclure sur les cas déterminés, que notre expérience saisit, qu’il y a lieu d’appliquer l’ἑπέχειν (arrête-toi) des sceptiques qui s’opposent à ce que l’affirmation dépasse la connaissance réelle. Mais si l’on sait user de

  1. « Il est difficile d’atteindre en ce monde la certitude sur ces questions ; mais ce qui est possible, ce qui arrive à travers l’espèce, dans les différents mondes créés de différentes manières, voilà ce que j’enseigne ; je vais tàcher d’expliquer les causes nombreuses d’où peuvent dériver les mouvements des astres dans l’univers. Il faut que l’une de ces causes produise le mouvement des constellations ; mais quelle est-elle ? c’est ce qu’il n’est pas aisé de trouver quand on marche pas à pas. »