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études astronomiques et de l’ébranlement de la foi à l’existence du Tartare, lutta inutilement dans l’antiquité contre l’opinion naturelle qui admettait absolument un haut et un bas. Les temps modernes nous ont montré par un autre grand exemple, par la théorie du mouvement de la terre, avec quelle difficulté de pareilles opinions, sans cesse suggérées par les sens, cèdent le pas à l’abstraction scientifique. Un siècle après Copernic, il y avait encore des astronomes instruits et libres penseurs qui opposaient, comme argument, à l’exactitude du nouveau système, le sentiment naturel que l’on a de la fixité et de l’immobilité de la terre.

Partant de l’idée fondamentale de la pesanteur des atomes, le système épicurien ne peut admettre pour ces atomes un mouvement double qui se neutralise au centre. Comme il reste en effet partout, même dans ce centre, un espace vide entre les corpuscules, ils ne peuvent s’appuyer les uns sur les autres. Si l’on admet d’ailleurs qu’ils se sont réunis au centre et ont réalisé, par leur contact immédiat, la densité absolue, il faudrait, d’après la doctrine d’Épicure, que, dans le cours infini des temps, tous les atomes se fussent réunis déjà dans cet endroit, de sorte que rien ne pourrait plus se produire dans l’univers.

Nous n’avons pas besoin par notre critique de démontrer quels sont les côtés faibles de ce système (64). Il importe bien davantage, si nous voulons suivre par la pensée le développement de l’humanité, de voir combien il fut difficile, dans l’observation de la nature, d’arriver à une conception nette des choses. Nous admirons la découverte de la loi de la gravitation due à Newton et nous ne pensons guère combien il fallut faire de pas pour amener cette théorie au point de maturité qui permit à un penseur éminent de la trouver. Lorsque la découverte de Christophe Colomb jeta brusquement une lumière nouvelle sur la théorie des antipodes et écarte définitivement les opinions des épicuriens il cet égard, on sentait déjà la nécessité d’une réforme com-