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Il est donc hors de doute que Lucrèce a puissamment contribué à répandre parmi les Romains la philosophie épicurienne. Elle atteignit son apogée sous le règne d’Auguste ; car, bien qu’elle n’eût plus alors de représentant pareil à Lucrèce, cependant tous les poètes amis des plaisirs qui se groupaient autour de Mécène et de l’empereur, étaient séduits et guidés par cette doctrine.

Mais lorsque sous Tibère et Néron se produisirent des atrocités de toute espèce et que les jouissances de la vie furent empoisonnées par le danger ou par la honte, les épicuriens se tinrent à l’écart et, durant cette dernière période de la philosophie païenne, ce furent principalement les stoïciens qui acceptèrent le combat contre le vice et la lâcheté et qui périrent, victimes des tyrans, avec une courageuse sérénité, comme Sénèque et Pœtus Thraséas.

Sans doute la philosophie épicurienne aussi, dans sa pureté et surtout dans le développement que l’énergique Lucrèce lui avait donné, aurait bien pu inspirer aux âmes des élans non moins généreux ; mais précisément les qualités manifestées par Lucrèce, la pureté, la force et l’énergie, devinrent rares dans cette école, et peut-être depuis Lucrèce jusqu’à nos jours ne les a-t-elle plus retrouvées. Il importe donc d’accorder une attention toute spéciales à l’œuvre de cet homme remarquable.

Le début est une invocation riche en images mythologiques, en pensées claires et profondes, adressée à Vénus dispensatrice de la vie, de la prospérité et de la paix.

Dès les premiers vers nous reconnaissons l’attitude spéciale de l’épicurien en face de la religion : il en utilise les idées et les formes poétiques avec une ferveur et une sincérité évidentes ; et cela ne l’empêche pas, bientôt après, dans le passage cité plus haut, de regarder comme le principal mérite de son