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faits ou les réalités qui ne sont susceptibles ni d’être vérifiés par les calculs, ni d’être modifiés par les instruments, n’ont rien à démêler avec la science proprement dite. Ce qui, encore une fois, ne signifie pas qu’ils échappent à toute connaissance, et que, à côté de la certitude scientifique, une autre certitude ne puisse les atteindre mais elle ne saurait s’appeler des noms qui sont réservés à la connaissance scientifique, c’est-à-dire, dans la langue philosophique de l’Allemagne, depuis Kant, des noms d’Erkenntniss et de Wissen.

Mais où trouver ces faits, ces qualités des êtres, qui auront le triple caractère d’être les plus universels, les plus rigoureusement vérifiables, les plus directement et les plus facilement modifiables ?

Ce seront évidemment les plus simples et les plus constants des éléments de la réalité. Les propriétés de l’étendue et du mouvement sont les seules qui répondent aux conditions énumérées. Un corps cesse d’être coloré, sapide, sonore, odorant, chaud ou froid, dur ou mou pour l’aveugle, le sourd, l’homme paralysé à des degrés différents. Mais il nous paraît toujours étendu et en mouvement, parce que le toucher général juge de ces propriétés, et que la disparition complète de ce sens serait la cessation même de la conscience et de la vie. Ce sens est, par excellence, comme l’appelait si bien Aristote, le sens universel ; et les qualités qu’il perçoit méritent bien le nom de qualités premières, que leur avait donné Descartes. En définitive donc, la science des êtres ne peut satisfaire aux conditions que notre définition lui a imposées, qu’autant qu’elle porte sur les propriétés mécaniques de la réalité.