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Quæ caput a cœli regionibus ostendebat,
Horribili super aspectu mortalibus instans ;
Primum Graius homo mortales tollere contra
Est oculos ausus, primusque obsistere contra :
Quem neque fama deum, nec fulmina, nec minitanti
Murmure compressit cœlum, sed eo magis acrem
Irritat animi virtutem, effringere ut arta
Naturæ primus portarum claustra cupiret[1].


Nous ne nierons pas que Lucrèce ait puisé encore à d’autres sources, étudié avec soin les écrits d’Empédocle et mis à profit peut-être même ses observations personnelles dans les parties de son poème qui ont trait à l’histoire naturelle ; mais, ne l’oublions pas, nous ignorons quels trésors renfermaient les livres perdus d’Épicure. Presque tous les critiques placent, pour la verve et l’originalité, le poème de Lucrèce en première ligne parmi les œuvres littéraires qui précédèrent le siècle d’Auguste ; cependant la partie didactique est souvent sèche et décousue, ou reliée par de brusques transitions aux descriptions poétiques.

Le style de Lucrèce est simple, dur et éminemment archaïque. Les poètes de l’époque d’Auguste, qui se sentaient bien supérieurs à leurs rudes devanciers, n’en rendaient pas moins hommage à Lucrèce.

C’est à lui que Virgile fait allusion dans les vers suivants :



Felix qui potuit rerum cognoscere causas
Atque metus omnes et inexorabile fatum
Subjecit pedibus strepitumque Acherontis avari[2]


  1. « Alors que le genre humain traînait sur la terre sa misérable existence,
    accablé sous le poids de la religion, qui montrait sa tête du haut
    des cieux et lançait sur les mortels des regards effrayants, un Grec osa le
    premier élever contre elle les regards d’un mortel ; le premier il osa lui
    résister en face. Ni le renom des dieux, ni la foudre, ni le fracas menaçant
    du tonnerre céleste ne comprimèrent son audace ; son ardent
    courage redoubla d’énergie et le poussa à briser le premier les étroites
    barrières qui défendaient l’accès de la nature. »
  2. « Heureux qui a pu connaître les causes des choses et qui a foulé aux pieds toutes les terreurs, l’inexorable destin et le bruit de l’insatiable
    Achéron ! »