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vraient, le passé glorieux de la patrie grecque réapparaissait plus que comme le prélude entièrement achevé de développements nouveaux, dont personne ne connaissait l’origine ni ne prévoyait la fin.

Alexandre mourut subitement à Babylone, et la liberté agonisante expira bientôt sous les coups du cruel Antipater. Au milieu de ces troubles, Épicure quitta Athènes pour retourner dans l’Ionie, où résidait sa famille. On dit qu’il alla ensuite professer à Colophon, à Mitylène et à Lampsaque ; c’est dans cette dernière ville qu’il se fit ses premiers disciples. Il ne revint que dans son âge mûr à Athènes, où il acheta un jardin dans lequel il vécut avec ses élèves. Ce jardin avait, dit-on, pour inscription : « Étranger, ici tu te trouveras bien ; ici réside le plaisir, le bien suprême. »

Épicure y vécut avec modération et simplicité, entouré de ses disciples, dans une concorde et une amitié parfaites, comme au sein d’une famille calme et affectueuse. Par son testament il leur légua le jardin, dont ils firent longtemps leur centre de réunion. L’antiquité tout entière ne connut pas d’exemple d’une vie en commun plus belle ni plus pure que celle d’Épicure et de ses disciples.

Épicure n’exerça jamais d’emploi public, ce qui ne l’empêcha pas d’aimer sa patrie. Il n’eut jamais de conflit avec la religion, car il révérait assidûment les dieux, suivant l’usage traditionnel, sans toutefois affecter à leur égard des opinions qui n’étaient pas les siennes.

Il fondait l’existence des dieux sur la clarté de la connaissance subjective que nous en avons. « L’athée, ajoutait-il, n’est pas celui qui nie les dieux de la multitude, mais bien plutôt celui qui partage les opinions de la multitude relatives aux dieux. On doit les regarder comme des êtres immortels, éternels, dont la béatitude exclut toute idée de sollicitude ou d’occupation ; aussi les événements de la nature suivent-ils une marche réglée par des lois éternelles et jamais les dieux n’interviennent. C’est offenser leur majesté que de les croire