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préoccupait fort peu de la multitude des faits nouveaux, des observations nouvelles que les conquêtes d’Alexandre le Grand rendaient accessibles à tout esprit sérieux. Qu’il ait accompagné son royal élève afin de rassasier son ardeur pour la science, ou qu’on lui ait envoyé des animaux et des plantes de contrées lointaines pour les soumettre à ses études, ce sont là autant de fables. Aristote, dans son système, s’en tenait à ce qu’on savait de son temps ; il était convaincu que c’était là l’essentiel, et que cela suffisait pour trancher toutes les questions de principes (52). Précisément parce qu’Aristote avait une conception du monde si exclusive, parce qu’il se mouvait avec tant d’assurance dans le cercle étroit de son univers, il devint de préférence le guide philosophique du moyen âge, tandis que les temps modernes, portés aux progrès et aux innovations, n’ont rien eu de plus pressé que de rompre les entraves de ce système.

Plus conservateur que Platon et Socrate, Aristote se rattache de son mieux, à la tradition, à l’opinion du vulgaire, aux idées consacrées par le langage, et ses exigences morales s’écartent le moins possible des coutumes et des lois usuelles des États helléniques. Aussi a-t-il été dans tous les temps le philosophe chéri des écoles et des tendances conservatrices.

Aristote, pour assurer l’unité de sa conception du monde, a recours à l’anthropomorphisme absolu. La téléologie défectueuse, qui n’envisage que l’homme et sa destinée, constitue l’un des principes essentiels de son système. De même qu’en fait d’activité et de créations humaines, quand l’homme veut, par exemple, construire une maison ou un vaisseau, il se préoccupe d’abord du plan d’ensemble, puis le réalise pièce par pièce au moyen des matériaux, de même, suivant Aristote, doit nécessairement procéder la nature, car il regarde cette corrélation des fins et des moyens, de la forme et de la matière comme le modèle de tout ce qui existe. Immédiatement après l’homme et sa destinée, Aristote étudie le