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Cependant, il continue de mériter les éloges que lui décerne Hégel, pour avoir asservi à l’idée la richesse et l’éparpillement des phénomènes de l’univers réel. Quelle que soit la part originale, grande ou petite, qui lui revienne dans le développement des diverses sciences, le résultat incontestable de ses travaux fut la systématisation de toutes les sciences alors existantes, en d’autres termes ses travaux peuvent en principe se comparer à ceux de certains philosophes modernes, créateurs de systèmes, de Hégel en première ligne.

Démocrite aussi dominait l’ensemble des sciences de son temps, et probablement avec plus d’originalité et de solidité qu’Aristote ; mais nous n’avons conservé aucune preuve qu’il ait tenté de plier toutes ces connaissances sous le joug de son système. Chez Aristote, le point essentiel est le développement d’une pensée spéculative fondamentale. L’unité et la stabilité que Platon cherchait en dehors des choses, Aristote veut nous les montrer dans la diversité même de ce qui existe. Si Aristote fait du monde extérieur une véritable sphère, au centre de laquelle la terre repose ; c’est par une méthode, par une forme de conception et de représentation identiques, qu’il explique le monde des sciences : tout gravite autour du sujet pensant dont les idées sont considérées comme les objets vrais et définitifs, par suite de l’illusion naïve qui fait méconnaître au philosophe toutes les limites de la connaissance.

Bacon prétend qu’en réunissant en système toutes les connaissances humaines, on entrave le progrès. Cette considération n’aurait pas fait grande impression sur Aristote, qui regardait la tâche de la science comme accomplie en général, et qui n’hésitait pas un seul instant à se croire capable de répondre d’une manière satisfaisante à toutes les questions importantes. De même que, sous le rapport moral et politique, il se bornait à étudier le monde hellénique comme un monde-modèle et ne comprenait guère les grandes révolutions qui s’accomplissaient sous ses yeux ; de même il se