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de nouvelles recherches font faire un grand progrès à la science, les anciennes définitions doivent disparaître ; les objets concrets ne se règlent pas d’après nos idées générales ; ce sont, au contraire, ces dernières qui doivent se régler d’après les objets individuels que saisit notre perception.

Platon développa les éléments de logique qu’il avait reçus de Socrate. Chez lui nous trouvons, pour la première fois, une notion claire des genres et des espèces, de la classification, de la hiérarchie des idées. Il emploie avec prédilection cette nouvelle méthode pour introduire, au moyen de divisions, la clarté et l’ordre dans le sujet à traiter. C’était certes un progrès important ; mais cette grande vérité favorisa bientôt une erreur non moins grande. On vit s’établir cette hiérarchie des idées dont les plus vides sont toujours placées au sommet de la classification. L’abstraction devint l’échelle céleste, au moyen de laquelle le philosophe s’éleva jusqu’à la certitude. Plus il était loin des faits, plus il s’estimait près de la vérité.

Platon, en opposant comme stables les idées générales au monde fugitif des phénomènes, se vit plus tard entraîné à la faute grave d’attribuer une existence distincte au général qu’il avait séparé du particulier. Le beau n’existe pas seulement dans les belles choses, le bien n’existe pas seulement dans les hommes de bien ; mais le beau, le bien, pris abstractivement, sont des êtres existants par eux-mêmes. Nous serions conduits trop loin, si nous voulions ici traiter en détail de l’idéologie platonicienne : il nous suffira d’en indiquer les bases et de voir comment sur ces bases se développe cette tendance intellectuelle qui croit s’élever bien au-dessus du vulgaire empirisme et qui, cependant, est forcée de reculer sur tous les points devant l’empirisme, quand il s’agit de faire progresser véritablement les sciences.

Il est évident que nous avons besoin de généraliser et d’abstraire pour arriver à la science. Même le fait isolé, pour pouvoir être étudié scientifiquement, a besoin d’être mis