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en recommandant les oracles ; en effet, pourquoi la divinité, qui a songé à notre bien-être jusque dans les plus minutieux détails, ne se mettrait-elle pas aussi en rapport avec l’homme pour lui faire parvenir des conseils ? Nous avons vu de nos jours, en Angleterre et surtout en Allemagne, se produire une doctrine, qui, dans le but de rétablir l’influence de la religion, a cru devoir répandre des idées plus pures en matière de foi ; et dont la tendance, au fond, était très-positive malgré le rationalisme qu’elle affectait. Ce sont précisément les partisans de ce système qui ont déployé le plus de zèle contre le matérialisme, pour conserver les richesses idéales de la croyance qui reconnait Dieu, la liberté et l’immortalité. De même Socrate, domine par le rationalisme dissolvant de son temps et par son amour pour le trésor idéal de la croyance religieuse, veut avant tout sauver cette dernière. L’esprit conservateur, qui l’anima toujours, ne l’empêcha pourtant pas, sur le terrain politique, d’adopter des innovations très-radicales, pour protéger, avec une efficacité durable, l’élément le plus intime et le plus noble de l’organisation sociale, le sentiment vivant de l’intérêt général contre le débordement croissant de l’individualisme.

Lewes qui, sous bien des rapports, nous donne de Socrate un portrait fidèle, se fonde sur la maxime que la vertu est une science pour prouver que la philosophie et non la morale était le but principal et constant du philosophe athénien. Cette distinction conduit à des malentendus. Assurément Socrate n’était pas un simple « moraliste », si l’on entend par ce mot un homme qui néglige d’approfondir ses idées et se borne à perfectionner son propre caractère et celui des autres. Mais, en réalité, sa philosophie était essentiellement une philosophie morale, et, il est vrai, une philosophie morale fondée sur la religion. Tel fut le ressort de toute sa conduite, et l’originalité de son point de vue religieux implique immédiatement l’hypothèse que la morale se comprend et s’enseigne avec facilité. Socrate alla plus loin ; non-