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magnificence et une énergie encore inconnues, mais aussi avec leur caractère primitif et pernicieux, les vieilles erreurs de la pensée anti-philosophique.

Le matérialisme déduisait les phénomènes naturels de lois invariables, absolues ; la réaction lui opposa une raison anthropomorphique, qui ne faisait qu’à regret sa part à la nécessité ; elle ébranlait ainsi la base de toute étude de la nature et lui substituait l’instrument élastique du caprice et de la fantaisie (38).

Le matérialisme concevait la finalité comme la plus brillante fleur de la nature, mais sans lui sacrifier l’unité de son principe d’explication. La réaction combattait avec fanatisme en faveur d’une téléologie qui, même sous ses formes les plus éclatantes, ne cache qu’un plat anthropomorphisme et dont l’élimination radicale est la condition indispensable de tout progrès scientifique (39).

Le matérialisme donnait la préférence aux recherches mathématiques et physiques, c’est-à-dire aux études qui permirent réellement à l’esprit humain de s’élever pour la première fois à des notions d’une valeur durable. La réaction commença par rejeter complétement l’étude de la nature au profit de l’éthique et quand, avec Aristote, elle reprit la direction qu’elle avait abandonnée, elle la faussa entièrement par l’introduction irréfléchie d’idées morales (40).

Si, sur ces points le mouvement réactionnaire est incontestable, il est très-douteux qu’il faille voir un progrès dans la grande école philosophique athénienne, qui représente le plus expressément l’opposition contre le matérialisme et le sensualisme. Nous devons à Socrate la théorie apparente des définitions, qui présupposent une concordance imaginaire entre le mot et la chose ; à Platon, la méthode trompeuse qui étaie une hypothèse sur une autre encore plus générale et trouve la plus grande certitude dans la plus grande abstraction ; à Aristote, les combinaisons subtiles de la possibilité et de la réalisation ainsi que la conception chimérique d’un système