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Ainsi commença la grande fusion religieuse qui, depuis l’expédition d’Alexandre, relia l’Orient à l’Occident et devait être une préparation si puissante à l’expansion du christianisme.

L’art et la science ne se modifièrent pas moins sous l’empire des doctrines sensualistes. Les sciences empiriques furent popularisées par les sophistes. Ces hommes, qui étaient doués pour la plupart d’une grande érudition, complètement maîtres d’un ensemble de connaissances solidement acquises, se montraient toujours prêts à les faire passer dans la pratique. Toutefois, dans les sciences physiques et naturelles, ils n’étaient pas des chercheurs, mais des vulgarisateurs. En revanche, on doit à leurs efforts la création de la grammaire et le développement d’une prose modèle, telle que les progrès de l’époque exigeaient qu’on la substituât à la forme étroitement poétique de l’ancienne langue. On leur doit surtout de grands perfectionnements dans l’art oratoire. Sous l’influence des sophistes la poésie tomba peu à peu de sa hauteur idéale et, pour la forme comme pour le fond, elle se rapprocha du caractère de la poésie moderne : l’art de tenir la curiosité en suspens, les saillies spirituelles et le pathétique se produisirent de plus en plus dans les œuvres littéraires.

Aucune histoire ne prouve mieux que celle des Hellènes que, suivant une loi naturelle du développement humain, il n’est pas pour le beau et le bien de fixité durable. Ce sont les époques de transition dans le mouvement régulier de la transformation d’un principe en un autre qui contiennent ce qu’il y a de plus grand et de plus beau. On n’a donc pas pour cela le droit de parler d’une fleur rongée par un ver : c’est la loi elle-même de la floraison de conduire au dépérissement ; et sous ce rapport, Aristippe était à la hauteur de son époque, quand il enseignait qu’on n’est heureux qu’au moment seul de la jouissance.