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liquide. Il est maintenant très-facile à comprendre que la présence des sels de plomb dans les vins n’est due qu’à une cause accidentelle. Mais cette cause toute accidentelle qu’elle soit n’est pas sans produire quelquefois les effets les plus déplorables. Le Journal de chimie médicale nous fait connaître, par plusieurs exemples qu’il a publiés, combien est dangereux l’usage de vin qui a séjourné dans des bouteilles rincées avec du plomb, et dans lesquelles des grains de ce métal sont restés adhérents. Je ne citerai que l’exemple suivant :

En 1840, un accident épouvantable est arrivé dans la maison des Jésuites de Dôle. Une douzaine d’élèves, ayant quitté la ville sous la surveillance d’un supérieur, se dirigèrent en promenade vers la campagne du mont Rolland. Là, pour rafraîchir ces jeunes gens, un domestique apporta une bouteille de vin ; huit d’entre ceux qui en burent avec le supérieur ne tardèrent pas à être pris d’affreuses coliques ; trois heures après, le supérieur lui-même succombait. Cet empoisonnement a été attribué à la décomposition de quelques grains de plomb restés au fond de la bouteille.

Avis à ceux qui se servent du plomb pour rincer les bouteilles. Parlons maintenant de la véritable falsification des vins.

Parmi les substances alimentaires, le vin est peut-être celle qui a subi et qui subit encore le plus de falsifications. Au reste, les falsifications du vin sont très-anciennes et se pratiquaient déjà au temps des Romains. Pline rapporte, en effet, que l’on se défiait, à Rome, de certains vins de la Gaule narbonnaise, mêlés de drogues diverses. — Une ancienne ordonnance du prévôt de Paris, du 20 septembre 1371, portait que « pour empêcher les mixtions et les autres abus que les taverniers commettent dans le débit de leurs vins, il est permis à toutes personnes qui prendront du vin chez eux, soit pour boire sur le lieu, soit pour emporter, de descendre à la cave et aller jusqu’au tonneau pour le voir tirer en leur présence ; et fait défense au tavernier de l’empêcher, à peine de quatre livres parisis d’amende pour chaque contravention, dont le dénonciateur aura le quart. »

Ami lecteur, ceci se passait au quatorzième siècle. Mais le moyen-âge n’existe plus : il est enseveli dans les ombres du passé et voilà que nous sommes rendus dans le beau milieu du dix-neuvième siècle ; il serait plus vrai de dire qu’il y a dix-sept ans que nous avons quitté ce beau milieu pour nous acheminer vers la fin du dix-neuvième siècle. Mais peu importe quelques années en plus ou en moins ! il est toujours vrai que nous sommes dans le XIXe siècle, c’est-à-dire dans le siècle de progrès par excellence. Or, puisque tout progresse d’une manière si éton-