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temps l’existence du principe pratique rationnel impliquera la liberté de l’agent moral, liberté qui ne s’exercera pas dans le monde des phénomènes — car là tout est soumis à un déterminisme rigoureux —, et dont par conséquent il sera impossible de montrer des manifestations empiriques, mais qui appartiendra du moins au moi nouménal[1].

Dans cette théorie de Kant, négligeons ce qui a trait au sentiment du respect, ou encore à la dualité du déterminisme des phénomènes et de la liberté nouménale. Ne considérons que l’essentiel de la théorie ; demandons-nous s’il est incompréhensible que le motif rationnel puisse avoir une action sur nous.

À vrai dire, il y aurait moyen de donner à une assertion pareille un sens acceptable ; mais ce serait en l’interprétant d’une manière que Kant aurait énergiquement repoussée. Ce qui est vrai, c’est que la raison n’a pas par elle-même de contenu, que la matière de la vie morale, par suite, devra venir d’ailleurs. Mais ce qui demeure, contre Kant, c’est que, une fin étant posée à laquelle nous nous intéressons, l’accord de cette fin avec les exigences de la raison — accord sur lequel je ne m’explique pas ici, et qui sera défini plus loin — nous fera naturellement la rechercher davantage : c’est que le motif rationnel, s’il n’agit pas seul, s’il doit se combiner avec un motif d’une autre sorte, agit cependant et influe sur notre conduite, d’une façon qui n’a rien de mystérieux.

Que si l’on voulait rechercher les causes pour lesquelles Kant s’est formé cette conception qu’on vient

  1. Voir la Critique de la raison pratique, 1re partie, I, 3.