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C’est contre Renouvier que M. Fouillée soutient cette dernière thèse. Renouvier représentait que du moment que nous sommes raisonnables et que nous nous croyons libres, un devoir-faire existait pour nous ; que ce devoir-faire était l’essence même du devoir, cette pierre angulaire de la morale ; que les animaux, n’étant pas raisonnables, ne songeaient pas à opposer une telle idée à leurs passions dominantes[1]. M. Fouillée objecte que le raisonnement de Renouvier vaudrait non seulement pour la morale, mais pour tous les arts, qu’ainsi il méconnaît ce qu’il y a de spécifique dans la morale, qu’il ne « fonde » nullement celle-ci : « pour être peintre ou architecte, il faut que l’homme soit doué d’intelligence, afin de concevoir des plans divers de tableau ou d’édifice ; il faut aussi qu’il se croie libre, en ce sens tout empirique qu’il s’attribuera le pouvoir de réaliser l’idée qui aura prévalu dans son intelligence. Là aussi, il y a un meilleur entre plusieurs possibles, conséquemment un parti rationnel à prendre, un devoir-faire. Dira-t-on que ces arts sont des applications de la moralité, du devoir ? »

Cette argumentation est loin d’être probante. Il est certain, sans doute, que si l’architecte se sert de son intelligence, de sa raison, uniquement pour choisir les meilleurs moyens de réaliser le plan auquel il s’est arrêté, ou même pour choisir un plan qui réponde le mieux possible à tel but qu’il s’est proposé, il n’y aura dans tout cela rien de moral. Les arts, en tant que tels, supposent données de certaines fins, et ne nous ensei-

  1. Voir La science de la morale, Paris, Ladrange, 1869, I, 1, 1.