Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/86

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lité où l’on serait, autrement, de donner une solution aux conflits moraux qui ne manqueraient pas de surgir.

Quand on admet une multiplicité de règles tirant en quelque sorte leur validité d’elles-mêmes, il est fatal que des conflits moraux surgissent : car pour juger la valeur morale d’une action, il est indispensable de considérer, en même temps que cette action prise en elle-même, la série indéfinie des conséquences qu’elle entraînera ; et il arrivera ainsi, très souvent du moins, qu’à la même action plusieurs règles morales s’appliqueront, l’une directement, les autres médiatement, qui nous feront juger cette action de façons contraires.

Mais les conflits moraux, du moment que l’on en a admis la possibilité, ne sauraient être en aucune façon résolus. La lecture des traités de morale est instructive à cet égard. Parfois les auteurs proposent de donner la préférence, entre deux devoirs qui s’opposent, à celui dont l’accomplissement intéresse le groupe le plus étendu ; mais ce précepte n’aurait de valeur qu’autant qu’on le rattacherait — par une déduction d’ailleurs fautive — au principe de l’utilitarisme pris comme fondement de la morale. Ils disent encore qu’il y a lieu de tenir compte de l’excellence des devoirs : formule tout à fait vide, qui exprime la difficulté sous une forme nouvelle, et ne la tranche nullement. La recommandation de faire passer les devoirs stricts avant les devoirs larges ne résoudrait qu’une certaine catégorie de conflits ; et, de plus, si la facilité plus grande que nous avons, en général, à remplir les devoirs stricts est un motif de regarder comme plus graves — du